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Les hasards du calendrier superposent le midterm américain au mi-mandat français. Aux Etats-Unis, c’est une élection qui évalue la politique menée depuis 2 ans, un scrutin qui a cette fois sanctionné Barack Obama. En France, pas de confrontation électorale directe à mi-mandat (les résultats des Municipales, Européennes et Sénatoriales sont à divers degrés des points d’évaluations indirectes) mais, pour cette fois, une exposition à 7.9 millions de téléspectateurs qui donne l’occasion à François Hollande d’améliorer sa côte de popularité.

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Crédit Photo Présidence de la République

Que retenir de ce rendez-vous ? Je réponds à cette question à travers 3 prismes d’analyse:

Le rapport à la fonction présidentielle

Face à Thierry Demaizière François Hollande se voit questionner sur sa vie privée. Lorsque le journaliste aborde la médiatisation de sa relation extra-conjugale, Francois Hollande ne rentre pas en empathie avec les Francais. Si il reconnait à demi-mot son erreur « Je ne veux pas me défausser (…) », il partage sa responsabilité avec les journalistes de la presse people:  « (…) la responsabilité est collective (…) je ne demande pas à ce qu’on me juge sur le mauvais comportement des autres ». Un mea culpa franc et entier aurait sans doute suscité l’adhésion affective, d’autant que comme le montre une récente étude l’infidélité n’est plus, pour la majorité des français, une transgression inacceptable de la vie conjugale.

Un autre exemple vient à considérer son positionnement comme hésitant: Thierry Demaizière l’interroge sur un passage du livre de son ex-compagne qui évoque un attrait particulier de Francois Hollande pour les grands restaurants à la différences des bistros populaires. Déminer la question n’apparaît pas insurmontable. Rien ne semble fondamentalement dérangeant dans cette préférence, ce qui l’est plus c’est la justification du Président en exercice qui répond par l’interrogative « vous m’avez vu au restaurant ? ». Se justifier c’est ici se blâmer d’autant que la justification se poursuit lorsque François Hollande rappelle qu’il « fréquente les bistros depuis 30 ans » soulignant ainsi un lien avec le peuple qu’il aurait perdu. L’exemple prête à sourire et montre la difficulté à se positionner entre deux sphères qu’on oppose. Un Président passe du steak/frite au banquet sans sourciller et ne complexe pas de cette variation, c’est sa force. Un Président adopte les habitudes de tous sans rougir d’être à la table des décideurs du monde car c’est bien pour cela qu’il a gagné les suffrages.

Si François Hollande revendique son authenticité: « je suis moi-même », il laisse l’impression d’appliquer la méthode Coué lorsqu’il répète comme pour s’en convaincre: « je suis responsable du pays ». Cela doit couler sous le sens, François Hollande est maintenant en fonction depuis 29 mois il est donc depuis ce laps de temps « responsable du pays ».

La confrontation avec les français 

François Hollande se confronte ensuite à 4 invités choisis par TF1.

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Crédit Photo Présidence de la République

La chaîne présente un panel équilibré sur l’axe nord/sud (Carine du Nord-Pas-de-Calais et Hasen de PACA) et sur le rapport rural/urbain (Catherine des Ardennes et Joëlle d’Île-de-France) cependant avec 3 femmes et 1 homme l’échantillon n’est pas paritaire. Je remarque également que 2 des 4 invités sont demandeurs d’emplois. Pourquoi ces choix ? L’absence de parité m’est, à l’heure actuelle, difficile à expliquer; j’en conduis simplement à une volonté de promouvoir la parole des femmes. Le choix d’inviter des demandeurs d’emplois revient à mettre François Hollande face à sa « principale préoccupation ». La répartition géographique s’explique par la volonté de TF1 de représenter de la manière la plus exhaustive possible les divers localisations de ses téléspectateurs. Pour en savoir un peu plus j’interpelle la chaîne sur son compte Twitter, en attendant je vous laisse donner votre avis sur la question.

Revenons à ces entretiens dans lesquels François Hollande prend systématiquement une posture d’écoute en prenant des notes.

Face à Joëlle, demandeuse d’emploi proche de la retraite, il tente de dédramatiser « on va essayer d’éviter les chiffres » et se fait pragmatique quand il demande à son interlocutrice si pôle emploi lui a proposé une formation. Il profite de l’occasion pour se distinguer de la position qui assimile chômage & assistanat: « On ne se met pas dans cette situation volontairement » et rappelle ainsi son ancrage à Gauche. Il n’arrive toutefois pas à faire la promotion de son action et de ses outils comme le contrat de génération dont il se fait un mauvais vendeur. Il finit par annoncer le retour d’une allocation spécifique adaptée au cas de Joëlle. Il s’en sort péniblement.

François Hollande s’adresse ensuite à Carine, il commence par la flatter: « je vous félicite de maintenir et de créer des emplois en France ». Il ne répond ensuite pas réellement aux attentes de la chef d’entreprise sur l’allègement du coût du travail et sur les politiques familiales et culturelles. Carine ne bénéficiant pas du CIR il ne peut lui opposer cette mesure. Il ne semble pas convaincre davantage son interlocutrice en arguant avoir « mis le paquet sur la simplification (…) » ni en lui opposant le pacte de responsabilité. Lorsque son interlocutrice le pique « la maison brûle il y a 5 millions de chômeurs », il bafoue, il a plusieurs fois du mal à terminer ses phrases. Malgré un échange cordial il est mis en échec.

Lors de son échange avec Hasen, il commence par annihiler les réserves de son interlocuteur sur le financement des emplois d’avenir en utilisant une posture paternaliste: c’est l’Etat qui finance les emplois d’avenir et pas les collectivités sous-entendu, l’Etat c’est moi. Ce denier parvient ensuite à renverser le questionnement du marseillais sur les travailleurs exilés par le biais d’une rhétorique politico-politicienne: c’est une fierté de représenter la France à l’étranger plutôt: que vous partez à l’étranger parce qu’il n’y a pas d’emplois en France. Il gagne enfin la sympathie de son cadet en l’invitant à rester sur le plateau à l’encontre des sermons de Gilles Bouleau sur le timing. Il s’en sort correctement sans être toutefois bousculé.

Lors de la dernière intervention, Catherine n’oppose que très peu de résistance à François Hollande. Il met en parallèle le problème du collège rural menacé qu’expose l’ardennaise avec son collège corrézien de Juillac. En symétrisant son parcours avec l’assistante maternelle il se met à son niveau de contrariété et gagne en conséquence sa sympathie. Il fait d’une pierre deux coups en annonçant dans la foulée un plan numérique pour les collèges. Il finit par un trait d’humour teinté d’autodérision: « on a besoin d’agriculteurs, on a besoin de manger ».

Après ces 50 minutes d’échanges François Hollande ne se distingue pas spécialement. Il reste sur ses acquis: le calme, l’humour et l’écoute. Ses contradicteurs ne le poussent pas dans ses retranchements, pour « un rendez-vous de vérité » on peut s’attendre à plus d’adversité. C’est sans oublier qu’interroger le Président de la République devant des millions de téléspectateurs est un métier. Voilà pourquoi TF1 renforce son équipe éditoriale avec Yves Calvi dans la dernière partie de l’émission.

Le cap politique et la projection vers 2017

Face à un journaliste politique expérimenté, François Hollande se raffermit. Yves Calvi l’harangue d’emblée: « les français ont besoin d’un père protecteur » il réutilise son vocabulaire et répond du tac au tac: « je veux les protéger ».

S’ensuit une multitude d’allusions à une réélection « (…) la France sera à nouveau en 1ère position », « les choses seront rétablies en 2017 », « les allemands ont mis 10 ans à faire les réformes », « il y a un Président et plusieurs candidats » puis une proposition électoraliste de ne pas augmenter les impôts :

Il utilise volontiers un discours réformateur: « je fais les réformes, on va faire toutes les réformes » et insiste sur le triptyque Numérique, Energie, Santé qu’il érige en axes forts de son cap politique de fin de mandat. Il élude les questions institutionnelles (proportionnelles aux élections législatives) préférant évoquer le thème de la transparence et la loi sur le non-cumul des mandats qui recueille un écho positif auprès de l’opinion. Enfin, il met en garde contre la possibilité de voir Marine Le Pen accéder à la présidence « ce qu’on croit impossible un jour devient hélas vrai un autre jour » et déclasse plutôt habilement le vote frontiste en interpellant directement les téléspectateurs: « vous méritez mieux ».

Je ne reviens pas en détail sur les autres sujets évoqués ni sur les annonces (d’autres vues aussi variées qu’expertes le font beaucoup mieux que moi), le but de ces analyses étant de revenir sur la communication du Président en exercice. Alors réussie, pas réussie ? Le bilan est contrasté. François Hollande n’a pas levé les doutes de l’opinion sur sa capacité à assimiler la fonction présidentielle. Face à 4 français plutôt bienveillants, il a parfois affiché une certaine fragilité dans la défense de ses actions politiques. En revanche, il a retrouvé des couleurs lorsqu’il a évoqué le futur et son cap pour la fin du quinquennat. Peut-être a-t-il besoin d’être en position de conquête et donc de penser à sa réélection pour séduire à nouveau l’opinion.

En attendant, le nombre de demandeurs d’emplois baissera peut être la semaine prochaine. Joëlle a décroché, après plus de 2 ans de chômage, un entretien d’embauche lundi prochain. Sa médiatisation n’y est pas étrangère. Peut-être est ce un procédé à industrialiser afin de faire baisser le chômage, affaire à suivre…

PS: N’hésitez pas à réagir !