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Dans la nuit de samedi à dimanche dernier, un live Periscope mettant en scène le footballeur du PSG Serge Aurier et son ami Mamadou Doucouré se répandait sur la toile. La diffusion de cette vidéo, dans laquelle le footballeur international critique ses coéquipiers et son entraineur, conduit son employeur à envisager des sanctions à son égard. Depuis plusieurs heures, la propagation de la vidéo nuit à l’image du footballeur et aux intérêts sportifs du club qui le salarie. Cette situation soulève plusieurs questions. Elles concernent d’abord le média relai de la vidéo, Periscope, son contexte de diffusion et son fonctionnement. Elles se concentrent ensuite sur les risques liés à l’exposition médiatique d’une personnalité publique. Enfin, elles conduisent les entreprises à s’interroger à propos de la prise de parole de leurs salariés sur les médias sociaux.

1) Qu’est ce que Periscope ?

Periscope est une application disponible sur Androïd et IOS qui permet à ses utilisateurs de filmer avec leur smartphone et de diffuser le contenu en direct par l’intermédiaire d’un flux vidéo. Sur Periscope, il y a donc 2 types d’usages : filmer un évènement en direct ou le regarder. Accessible depuis le 26 mars 2015, l’application qui appartient à Twitter, fonctionne de manière semblable : on peut suivre un compte et consulter ainsi ses vidéos live. Les paramètres de diffusion du flux vidéo peuvent aussi permettre d’en faire une diffusion élargie sans définir qui sont les comptes qui y accèdent :

Periscope prend une dimension social media lorsque les comptes qui suivent la vidéo la commentent en direct. Des interactions peuvent alors se créer avec le direct :

Les marques comme les particuliers, peuvent disposer d’un compte et l’alimenter de vidéos filmées en direct. Dans l’idéal, un live sur Periscope fait l’objet d’une communication sur d’autres médias sociaux et sur le site web de l’entreprise ou de l’institution qui l’organise :

Si le live reste la philosophie de Periscope, il est possible de consulter en replay les vidéos de ses contacts après la diffusion du direct :

A ce jour, Periscope reste une application relativement confidentielle (10 millions de comptes créés au 12 août dernier) la diffusion d’un flux live par un diffuseur peut faire l’objet d’un lien automatique sur Twitter pour annoncer cette diffusion :

Le lien permet ainsi à des internautes de consulter le direct sans passer par l’application mobile. Même si, dans ce cas, ils ne peuvent pas commenter le flux, ils ont accès au contenu, ce qui, dans notre exemple, a contribué à multiplier le nombre de spectateurs de la vidéo.

Outre les risques inhérents à l’imprévisibilité du direct et à l’impossibilité de modérer les commentaires des comptes qui consultent le flux live (le parti politique les Republicains en a d’ailleurs fait les frais lors de la diffusion d’un live vidéo), Periscope présente des atouts intéressants : l’application peut être utilisée par des marques, des médias ou des institutions sans nécessairement disposer de gros moyens techniques. En respectant certains prérequis, Periscope peut donc être un très bon outil de communication.

2) Comment l’application Periscope a-t-elle été utilisée  ?

C’est vraisemblablement par l’intermédiaire du compte de Mamadou Doucouré que le flux live a démarré. Intitulé Avec Serge Aurier et ouvert à tous les utilisateurs de Periscope, il a rapidement généré des flux importants de commentaires. Au début de la vidéo, c’est Mamadou Doucouré qui fait office de Community Manager et relaie les commentaires et questions des spectateurs :

Progressivement, le nombre de comptes connectés augmente et dépasse les 3 500 spectateurs :

Durant plus de 45 minutes, les 2 footballeurs vont ainsi répondre aux questions et commentaires des spectateurs.

3) Pourquoi Mamadou Doucouré et Serge Aurier ont-ils mésestimé l’exposition de Periscope ?

Les 2 footballeurs n’ont pas mesuré le caractère public de leurs conversations avec les spectateurs. Un rapport de conversation qui apparaît comme déséquilibré, les diffuseurs sont filmés alors que les spectateurs qui commentent la vidéo ne le sont pas. De ce point de vue, Mamadou Doucouré et Serge Aurier se sont placés en situation de vulnérabilité.

Ils ont également fait preuve de naïveté en ne comprenant pas le fonctionnement de l’application et en ouvrant le flux vidéo à tous ses utilisateurs. De fait, ils ont rapidement été dépassés par la taille de l’audience et le volume de conversations généré par le flux vidéo :

Cet extrait l’atteste : pour utiliser Periscope dans un cadre de Q&A , il faut pouvoir trier les commentaires et sélectionner les questions les plus pertinentes ce qui revient à être accompagné.La vidéo montre également qu’il ne faut pas accorder trop d’importance aux commentaires insultants et aux trolls qui investissent le champ des commentaires uniquement pour polluer les échanges. On le constate lorsque Serge Aurier s’emporte en réponse à un commentaire de ce type :

 

Lorsqu’ils communiquent au nom d’une marque ou d’une personnalité, les Community Managers connaissent parfaitement ce type de situation et sont amenés à faire preuve de sang froid et de discernement pour ne pas se sentir personnellement touchés par ces commentaires.

4) Pourquoi la tonalité de cette vidéo surprend autant ?

La communication des footballeurs est souvent stéréotypée. Les interviews d’après match le montre : On prend les matchs les uns après les autres (…) L’important c’est le collectif (…) sont des exemples de phrases dupliquées, récitées par la majorité des acteurs du jeu. Le vidéo live de Serge Aurier détonne parce qu’elle ne s’inscrit pas dans cette tonalité réglée. Se sentant en vase clos et vraisemblablement installé dans un espace privé, le footballeur fait sauter ses filtres habituels pensant dialoguer avec une communauté familière. Conscient de sa médiatisation, il aborde sa coupe de cheveux et va jusqu’à interroger les spectateurs à ce sujet :

Les footballeurs de haut niveau sont des personnalités publiques, leurs gestes, leur apparence et leur comportement sont scrutés par des millions de spectateurs. Tous les instants du quotidien peuvent donc faire l’objet de commentaires et placer le footballeur en situation de vulnérabilité. Pour qu’il se concentre uniquement sur sa performance sportive, il convient donc de le protéger, de le sensibiliser aux risques encourus par une trop grande exposition. Dans cet exemple, on peut considérer que si ce format d’échange n’avait pas été spontané, il aurait été scrupuleusement cadré par le service de communication du club ou du joueur. La com’, comme on le dit parfois de manière péjorative, sert aussi à protéger des individus jeunes et exposés sur qui reposent de lourdes responsabilités.

5) Que se passe-t-il lorsqu’un salarié critique son employeur sur les réseaux sociaux ?

Depuis que des outils de communication comme Facebook, Linkedin, Twitter et donc Periscope sont utilisés par des particuliers, il arrive fréquemment que des salariés abordent leur employeur et évoquent leurs collègues sur les réseaux sociaux. Il y a plusieurs années, alors même que la portée des communications social média était encore méconnue, l’agence Hopscotch avait réalisé une étude qui montrait qu’un salarié sur 5 critiquait son entreprise sur les réseaux sociaux. Depuis, les usagers du web social que nous sommes sont plus prudents. Néanmoins, les dérapages restent fréquents. Aux Etats-Unis, il y a tout juste un an, un tweet d’une future employée d’une pizzeria, jugé trop critique, avait provoqué son licenciement. En 2008, 3 salariés d’Alten avait été licenciés pour avoir critiqué leur hiérarchie sur Facebook.

Sans aller jusqu’à des cas de licenciements, qui s’apparentent à des sanctions extrêmement sévères, un commentaire négatif peut contribuer à dégrader l’image de son entreprise. L’objectif est donc d’accompagner au mieux ses salariés afin qu’ils prennent conscience de l’ampleur que peut prendre un commentaire négatif. La juste maîtrise de la frontière public-privé dans ses communications social media ainsi que la compréhension du fonctionnement des réseaux sociaux contribuent à limiter les risques de dérapages.