Après l’adoption du projet de loi NOTRE en juillet dernier, la France metropolitaine comptera 13 régions. Cette réforme territoriale conduit notamment à la fusion des régions Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon. La gouvernance de cette nouvelle région et la composition de ses 158 conseillers régionaux seront donc déterminés par le scrutin des 6 et 13 décembre prochains.
Depuis plusieurs semaines déjà, la campagne bat son plein entre les 11 têtes de liste. Si l’efficacité des méthodes traditionnelles comme l’affichage, le porte à porte ou le tractage reste incontestable, il n’est désormais plus possible de s’en contenter. Depuis une décennie, la communication politique se voit de plus en plus impactée par le web et les réseaux sociaux. Du blog d’Alain Juppé au futur compte SnapChat de François Hollande en passant par les tweets-clash de Nadine Morano, les exemples ne manquent pas. C’est donc très logiquement que les candidats à la future région Midi-Pyrénées/Languedoc-Roussillon se servent du web social pour faire campagne. Après ce premier tour, j’ai choisi de me focaliser sur les candidatures de Carole Delga et Dominique Reynié.
L’objectif n’est pas de sacraliser leur communication digitale mais plutôt de la vulgariser à travers plusieurs exemples. Naturellement, les likes ne se transforment pas forcément en votes et les followers ne sont pas nécessairement des militants. Les données quantitatives fournies le sont donc à titre indicatif et ne présagent en rien du succès final des candidats.
Données au 05/12/15
A la différence des marques, les personnalités politiques n’ont pas forcément vocation à restreindre le nombre de caractères de leurs publications. Comme Carole Delga, elles peuvent utiliser les publications Facebook à la manière d’un billet de blog :
Plus directe et pouvant parfois cibler une audience plus large qu’un article de blog, ce type de communication permet de réduire la distance avec son audience. Même si on se connecte à Facebook aussi pour se divertir et s’informer, on s’y rend principalement pour prendre des nouvelles de ses proches. En ce sens, il y a un espace à prendre pour les personnalités politiques qui peuvent, de fait, bénéficier de l’adhésion affective de leur audience.
Le repas au resto U de Carole Delga fait écho au repas champêtre de Dominique Reynié et sert les mêmes objectifs : se mettre au même niveau que ses électeurs pour annihiler l’appartenance à un environnement privilégié :
Si la communauté Facebook de Dominique Reynié est presque 2 fois plus importante que celle de Carole Delga, elle ne se concentre pas dans une seule et même page :
Cette situation est doublement contraignante. D’abord, le Community Management voit sa charge de travail s’alourdir pour animer et modérer ces pages. Ensuite, la communauté du candidat LR n’est pas fédérée en un même point ce qui peut présenter le désavantage de la disperser voir de la spammer si elle reçoit dans son flux d’actualité des publications identiques issues de différentes pages. Dans pareil cas, il est donc recommandé de fusionner les pages.
Quid de la Turquie ?
La campagne pour les régionales n’empêche pas les candidats d’évoquer la politique internationale. Par l’intermédiaire de sa chaîne Youtube, Dominique Reynié aborde la question de l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne, la vidéo est ensuite partagée sur sa page Facebook :
Le nombre de vues de ses différentes vidéos Youtube le montre : la position de Dominique Reynié sur la Turquie est presque 10 fois plus visionnée que ses extraits de meetings dans lesquels le candidat LR évoque des sujets attenants à sa campagne régionale :
Il y a donc un intérêt manifeste pour ce sujet qui s’explique en 2 points :
(1) Son format : les vidéos explicatives dans lesquelles une personnalité livre ses analyses de façon directe et sans public sont plébiscitées par les internautes. Nombre de youtubeurs et d’influenceurs utilisent ce format intimiste qui renforce la proximité pour s’adresser à leur communauté.
(2) Sa cible électorale : en clarifiant sa position sur un sujet clivant comme l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne, Dominique Reynié veut rassurer sa base militante et surtout ramener les électeurs tentés par le vote front national dans son sillage.
Données au 05/12/15
En plus de leur compte Twitter, respectivement créés en mars 2012 et novembre 2009, Carole Delga et Dominique Reynié voient leur communication amplifiée par différents comptes de soutien. Ces comptes sont déclinés en comptes départementaux :
Dans le cas de Dominique Reynié, cette déclinaison de soutiens répond à une stratégie préalablement définie. Les comptes départementaux sont génériques : nom, biographie, photo de profil sont identiques, seul la photo de couverture les différencie. Naturellement ils permettent de regrouper les soutiens d’élus locaux. Par exemple, le compte de l’Aude relaie le soutien de Michel Py, Maire de Leucate :
Outre l’appui de comptes départementaux, Carole Delga rassemble également ses soutiens dans le compte @AvecCarole. Ce compte est majoritairement composé de tweets de soutien de parlementaires affiliés à sa famille politique comme le député Patrick Vignal :
D’autres soutiens sont relayés par l’intermédiaire de retweets comme c’est le cas de l’actuel président de la région Languedoc-Rousillon Damien Alary ou du député européen Eric Andrieu :
L’adage le précise : l’union fait la force. Carole Delga peut s’appuyer sur un parti fortement représenté à l’Assemblée Nationale, au Sénat et au Parlement Européen. Les tweets des parlementaires acquis à sa cause appuient sa candidature. Plus précisément, une partie de leurs abonnés verront ces tweets ce qui concoure à renforcer ce soutien.
Autre pratique qui vise à soutenir une candidature via les réseaux sociaux : le hashtag dédié. Majoritairement utilisé sur Twitter, il démontre l’approbation d’une personnalité ou d’un militant à une candidature. Plusieurs hashtags de soutien sont utilisés par les candidats : #AvecDelga et #AvecCarole du côté de la députée et #AvecReynié pour le professeur de sciences politiques :
L’outil Topsy donne la possibilité de mesurer le nombre d’occurences de ces hashtags sur les 30 derniers jours :
Sur le dernier mois de campagne, le hashtag #AvecReynié regroupe 3701 occurences quand #AvecDelga et #AvecCarole en rassemblent 1655. Que révèlent ces données ? D’abord, on se rend compte que, comme les partis en campagne, la twittosphère a observé une période de trêve d’une semaine à la suite des attentats du 13 novembre. Ensuite, on constate que l’organisation de meetings concoure à augmenter l’activité des twittos militants. Le hashtag #AvecReynié a ainsi connu un pic d’occurences le 23 novembre au moment où le candidat LR organisait un meeting à Nîmes. Cet exemple montre la nécessaire complémentarité des méthodes traditionnelles de campagne avec les média sociaux. Comme c’est le cas des ambassadeurs de marques, les militants peuvent endosser le rôle de relai et ainsi faire la promotion d’une candidature sur leurs comptes Twitter, Facebook et Instagram.
Données au 05/12/15
A la différence de Twitter qui se concentre sur la prise de parole politique et l’instantanéité, le réseau social d’image donne la possibilité de communiquer différemment. La priorité n’est pas de faire part de son programme (même si cela est possible par l’intermédiaire du format infographie) mais plutôt d’en dire un peu plus sur sa personnalité ou de montrer sa proximité avec les électeurs. Dominique Reynié et Carole Delga utilisent Instagram à ces fins. Quand le candidat LR échange avec les viticulteurs de l’Aude, la candidate PS monte le Pic Saint-Loup en leur compagnie :
Instagram donne également la possibilité de faire passer des messages symboliques, c’est le cas de Dominique Reynié qui publie une photo dans laquelle il saute en parachute, une manière ironique de répondre aux accusations dont il fait l’objet :
Cette image en forme de pied de nez est extraite d’une vidéo mise en ligne sur la chaîne Youtube du candidat LR :
Dans le même registre, Carole Delga prend la place du commandant de bord pour porter la symbolique de la gouvernance de la région :
Perspectives
Outre Facebook, Instagram et Twitter, les candidats développent d’autres moyens de communication. Je pense principalement au site participatif de Carole Delga ou au journal de campagne de Dominique Reynié. Naturellement, cet article ne retranscrit pas avec exhaustivité toutes les techniques de communication que les candidats à la région Languedoc-Roussillon/Midi-Pyrénées ont pu mettre en oeuvre durant leur campagne.Il s’agit d’un échantillon qui mérite certainement d’être étoffé.
A l’échelle nationale, la campagne de la future région occitano-catalane est beaucoup moins médiatisée que celles liées aux régions PACA ou Nord-pas-de-Calais-Picardie. Elle n’en demeure pas moins intéressante, car l’issue du scrutin aura une influence sur la propension de la région à communiquer sur ses services et ses prérogatives. Plusieurs initiatives montrent que les régions se positionnent avec succès sur le web et les réseaux sociaux. Au-delà de sa communication externe, la région Languedoc-Roussillon/Midi-Pyrénées sera amenée à intégrer les questions numériques dans son développement futur. En l’état, les internautes sont sondés pour choisir son appellation, la future présidence lancera peut être une consultation populaire et numérique pour la déterminer. Une étape symbolique qui ouvrirait sans doute la voie à d’autres initiatives.